La fonction oblique « est une mise en condition de l’humain, une sommation à modifier son comportement, sa façon de s’intégrer à son environnement en opposition avec les forces statiques et la paresse mentale ». Claude Parent...

Toujours plus éloigné-es de l’île Pelée mais fort-es de leur expérience dans l’ouest, les membres réuni·es du laboratoire des hypothèses installent leur base d’analyse au sein des ateliers Jeanne Barret dans le quartier des Crottes à Marseille. Leur objectif : analyser la pente du bâtiment en 5 jours, tout en sollicitant la charge potentielle de l’individu par l’effort qu’implique de trouver son équilibre sur les rampes. En effet, ancienne huilerie d’arachides, puis lieu de stockage, les ateliers Jeanne Barret ont pour particularité de présenter une pente continue, glissant de l’ouest vers l’est.

La raison d’une telle déclivité reste mystérieuse.

Si l’oblique est générateur d’instabilité, de déséquilibre et de mouvement, quel sera le type d’activité générée par cette pente sur le labo lui-même ? Les membres seront-iels totalement déstabilisé-es ? C’est le risque, et le labo en mesure le poids (en eddygrammes).

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Samedi 27 novembre
En ce jour de mistral, le laboratoire décide avant toute chose de s’adresser aux usager·es régulier·es de la pente : les enfants. Chaque samedi, les ateliers invitent les habitant-es du quartier à investir l’espace. Equipé·es de skate et autres objets à roulettes, les enfants sont déjà les spécialistes de la pente qu’iels dévalent chaque semaine, la tête en avant, le ventre collé à la planche.

A l’aide d’un cric et d’un niveau, nous apprenons à mesurer les degrés de la déclivité. La réalisation de maquettes permet de modéliser la plateforme future. Objets cylindriques et autres jouets à roulettes (voitures, canard, bâton de pluie) sont testés dans des inclinaisons différentes.



Eddy et Arthur s’attellent à la plateforme future en vue d’expérimenter échelle 1:1 et collectivement le basculement du bâtiment. Les enfants, enthousiastes, se rassemblent sur le véhicule ainsi réalisé et s’élancent. S’il faut pousser le véhicule de prime abord, il s’agit ensuite de le retenir et la tâche est ardue.



Mesure de la pente de Jeanne Barret en centicharlines par charline :
0ch à 1ch -- 0cch (sol horizontal) soit une pente de 0%
1ch à 2ch -- 0,9185cch (début de la pente) soit une pente de 0,66%
2ch à 3ch -- 1,67cch soit une pente de 1,2%
3ch à 4ch -- 1,837cch soit une pente de 1,32%
4ch à 5ch -- 1,67cch soit une pente de 1,2%
5ch à 6ch -- 5,4275cch soit une pente de 3,89%
6ch à 7ch -- 9,6025cch soit une pente de 6,89%
7ch à 8ch -- 9,6025cch soit une pente de 6,89%
8ch à 9ch -- 9,185cch soit une pente de 6,59%
9ch à 10ch -- 6,68cch soit une pente de 4,79%
10ch à 11ch -- 4,175cch soit une pente de 2,99%
11ch à 12ch -- 5,4275cch soit une pente de 3,89%
12ch à 13ch -- 3,7575cch soit une pente de 2,69%
13ch à 14ch -- 6,179cch soit une pente de 4,43%
14ch à 15ch -- 6,2625cch soit une pente de 4,49%
15ch à 16ch -- 5,845cch soit une pente de 4,19%
16ch à 17ch -- 5,01cch soit une pente de 3,59%
17ch à 18ch -- 5,177cch soit une pente de 3,71%
18ch à 19ch -- 3,7575cch soit une pente de 2,69%
19ch à 20ch -- 3,841cch soit une pente de 2,75%
20ch à 21ch -- 3,7575cch soit une pente de 2,69%
21ch à 22ch -- 3,34cch soit une pente de 2,4%
22ch à 22,125ch -- 0,25cch (soit 4cch/ch) soit une pente de 2,4%

Dimanche 28 novembre

Les membres du laboratoire arrivent et les hypothèses fusent avec elleux.
Comment explorer la fracture de l’espace et du basculement ?
Comment révéler la qualité du mouvement d’un corps en alerte sur un sol incliné ?
Quelle type de relation à la pesanteur, quelle adhérence au sol et quelles perceptions de l’espace sont instaurées dans un tel espace ?
Les vues plongeantes et contre plongeantes permettraient-elles de faire un film en pente ?
La documentation filmée de la descente par les enfants, ralentie sur 5 jours, est utilisée comme modèle en vue de réaliser notre propre glissade.
La lenteur est requise.

Calcul de la descente :
longueur totale 22,125 ch
arrivée prévue le samedi 4/12 à 17h avec des îles flottantes.
départ le mardi 30/11 à 14h
4 jours + 3 heures = 99h
longueur chariot : 2ch1/2
à parcourir : 22,125 - 2,5 ch = 19ch5/8 = 19,625 ch
vitesse à atteindre :
19,625 / 99 = 0,198232ch/h
99 / 19,625 = 5,0445859 h/ch
soit 1 charline en 5 heures, 2 minutes et 40 secondes

Lundi 29 novembre
Le labo est en place. Les premiers chantiers s’installent. Le vent du nord s’engouffrant dans le Rodanien jusqu’au 12m d’altitude des ateliers, la construction d’une cabine de montage isolée du froid au format Arthur semble indispensable.
Volume exact de 1 Arthur de haut, 3/8 d’Arthur de large et 1/2 d’Arthur de profondeur
Autrement dit, pour les lecteurices attachées à l’étalon Charline, on était plutôt sur de la 1,108 Charline de haut, 0,417 Charline de large et 0,554 Charline de profondeur.

Moltonnée de laine de coton et placée au sud-est de l’embarcation, cette cabine lui permettra de travailler avec nous.

Ces jambes clonées au passage et placées en dessous, participent au système de freinage de la plateforme.
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Certains membres du laboratoire pensent un deuxième dispositif mis en place ce lundi 30. Un pied de ralentissement, issue de la structure d’une armoire laquée, coinçant l’une des roues de l’embarcation. Il servira dans un second temps, une fois la plateforme engagée sur la pente.

Commence également ce jour-là, la construction d’un système d’exploration de la pente par glissade, une luge sur 5 savons de Marseille et d’un frigo, essentiel pour la conservation des denrées alimentaire.

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Un·e membre du labo se hisse sur une poutre transversale plus ou moins centrale du bâtiment pour filmer 1/3 du début, 1/3 du milieu puis 1/3 de la fin de l'expérience, pour observer la glissade ralentie en accéléré.

Un écran de projection est fixé entre une extension de la cabine Arthur et un morceau de bois vissé verticalement sur le flanc ouest de la plateforme.

Construction d’une unité de référence : l’étalon niveau Charline (AJOUTER)

Mardi 30 novembre
C'est le grand jour ! Toustes les co-équipièr·es se préparent au départ. Objectif : 1 charline en 5 heures, 2 minutes et 40 secondes. Première stratégie d'avancée saccadée : placer un certain nombre de cales de tailles Charline différentes, fixées les unes aux autres, pour respecter l'objectif de descente. Un cric muni d'une cornière d'accueil de cales permet de les soutenir.


La méthode mobilise toustes les membres du laboratoire des hypothèses. Voici leurs rôles :
découpeuse : Sopi
mesureuse : Cap
calulatrice : Émilie
traceuse : Margaux
talocheuse porteuse : Nelly
encolleuse : Jo
placeuse : Charline
freineuse : Eddy
farfisiste : Theo
filmeuse : Arthur



Le système d'exploration par glissade échoue. Les 5 savons de Marseille s'écrasent contre le sol granuleux sous le poids des testeuses. Une révision est à prévoir. Un savon de secours est fixé à l'arrière de la luge, en cas de pépin, derrière le dossier, à un bidon. Nouvellement ajouté aussi, il dispose d'un dispositif de goutte-à-goutte permettant de faire mousser les savons, même ceux placés à l'avant grâce à l'inertie de la pente.

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Une nouvelle hypothèse testée ce jour consiste en un test d'écoulement de différents liquides : huile de moteur, huile d’olive, huile de colza, maïzena, vin rouge. Une plaque de marbre est levée au rythme de la précision scientifique, à l'aide d'un cric. Résultat : c’est le vin rouge qui s’écoule le plus vite.



Mercredi 1er décembre
Tout en poursuivant son avancée saccadée, les membres s'attèlent à la construction d’une table et de bancs, d'aménagements et de rangements pour la cuisine.

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L'embarcation avance bien.
Arrivée au bout de la partie légèrement plane de la pente, elle subit l'effet de la gravité et décroche de son poussoir.


les membres mettent en place un nouveau dispositif de glissement ralenti. La pente étant de 6,89%, le laboratoire des hypothèses pense un système de freinage par déroulement de carte de Peutinger. Fixée en haut de la pente, elle se déroule d'est en ouest, à l'inverse de la trajectoire globale de l'embarcation, et permet, par un équilibrage des forces cosmiques de respecter l'objectif d'avancement ralenti.


Le capitaine testera les conditions climatiques d'une nuit à bord de la plateforme en vue d'un découpage par quarts des temps nocturnes embarqués.

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Jeudi 2 décembre
Le laboratoire des hypothèses poursuit son avancée tout en peaufinant l'installation, en vue du vernissage de l'exposition, le soir-même.
Les membres construisent un lit sur le flanc ouest de l'embarcation, après validation par le capitaine. Les systèmes d'assises sont améliorés, une télévision est installée.

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Arrive le moment du vernissage, les membres s'attèlent à la transmission des étapes de l'exploration.

La luge à savons est testée sur bâche, avec un balai-curling, pour une force de glisse optimale.



Vendredi 3 décembre
Journée de rencontres entre les étudiant·es des écoles d’Art, de Paysage et d’Architecture, afin de réfléchir ensemble à la place de la recherche-action en Art et ses développements possibles en Architecture et en Paysage.
Les étudiants sont invités à se réunir au beau milieu des œuvres pour participer à une conversation animée par la critique d’art Sophie Lapalu et l’artiste Anne-Valérie Gasc.
En partant des explorations présentées, ils questionneront ensemble le “bon sens” de cette recherche et leurs manières d’enquêter sur le terrain. Avec le collectif du Laboratoire des Hypothèses (la conquête de l’île Pelée) et le Bureau des guides du GR013 (l’expédition vers Pamparigouste).

En complément, Théo se lance dans une analyse de l'espace de Jeanne Barret par enregistrement des variations des ses champs magnétiques au moyen d'un système encore expérimental mais unique : la valise à ondes.


Samedi 4 décembre
Léger changement de cap pour l'embarcation du Laboratoire des Hypothèses. Les membres du labo ainsi que les personnes venues à leur rencontre lancent une opération de tug war pour l'orienter. Après 99h de descente, la plateforme arrive enfin à son point de chute, entraînée d'un dernier élan coordonné des membres du Laboratoire des Hypothèses.




Avant leur départ, le Laboratoire des Hypothèses partage ses fameuses îles flottantes du Laboratoire des Hypothèses pour un deuxième temps de rencontre autour de l'installation in situ.

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